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Cahier d'acteur - Contribution au Plan National de Restauration de la Nature (PNRN)


Dans le cadre de la mise en œuvre du Règlement européen sur la restauration de la nature, entré en vigueur le 18 août 2024, la France doit élaborer un Plan national de restauration de la nature (PNRN) à horizon 2050, avec des étapes intermédiaires en 2030 et 2040, dont la première version devra être transmise à la Commission en septembre 2026.  


Ce plan, intitulé « Agir pour restaurer la nature », a fait l’objet d’une concertation préalable organisée par la Commission nationale du débat public (CNDP), afin d’associer citoyens, associations, collectivités et acteurs économiques à sa construction.


L’Institut de la Transition foncière a répondu à l’appel à contributions et a rédigé un cahier d’acteur, un document de synthèse déposé sur le site de la consultation (limité à 4 pages, à retrouver ici). Nous mettons ici à disposition une version longue de ce cahier, qui développe nos analyses et propositions. Notre contribution souligne l’importance de donner une place centrale aux sols dans ce Plan.




Introduction : Pourquoi restaurer les sols ?


Les sols ont une place à part dans les écosystèmes à renaturer : 

  • Par leur rôle dans la régulation du climat : ils sont le premier puits de carbone terrestre, devant les forêts.

  • Par leur rôle dans le cycle de l’eau : ils infiltrent, retiennent, stockent, filtrent, restituent l’eau.

  • Par leur rôle dans la production alimentaire : 95% de l’alimentation humaine vient des sols.

  • Par leur rôle d’habitat : 59% de la biodiversité mondiale, océans inclus, est contenue à l’intérieur des sols, sans même parler de la biodiversité qui s’épanouit à leur surface.


Pourtant, les activités humaines les dégradent à un rythme effréné, aveugles à leur importance fondamentale : entre 60 et 70% des sols européens sont dégradés, par l’érosion (25% du continent), la désertification (23%, dont 8% à un stade avancé), l’urbanisation (400 km2 de sols sont scellés chaque année, de manière quasi irréversible).


Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES, 2018), “la restauration des terres et la prévention de leur dégradation ont un meilleur rapport coût-efficacité que toutes les autres mesures d’atténuation”. Ainsi, la renaturation des sols, dans une approche multifonctionnelle, doit avoir une place de choix dans l’application du règlement de restauration de la nature.


1. Définitions. Qu’est-ce que restaurer les sols ?


a. Préciser les définitions


Ce que dit le document de cadrage du PNRN : Le document de cadrage fait, à propos, la distinction entre restauration écologique et renaturation. La première consiste en “un processus volontaire qui vise le rétablissement d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit”. Il s’agit de tendre à un état de référence, correspondant au bon fonctionnement de l’écosystème concerné par l’opération. La définition de cet état de référence peut poser problème, comme dans le cas des écosystèmes urbains qui ont été si fortement dégradés qu’un retour à un état préalable à l’urbanisation n’est pas envisageable, celui-ci n’étant d’ailleurs en général pas connu. 


Les acteurs privés comme publics rencontrent de nombreuses incertitudes quant à la qualification de leurs projets en tant que projets de renaturation ; ce terme est ainsi “employé de manière inflationniste pour des projets très différents” (Madl, 2024), et les  tables-rondes fleurissent dans le secteur de l’aménagement du territoire pour débattre de ce qu’il faut entendre par ce terme. Cette ambiguïté peut entraîner des difficultés dans la planification et la mise en œuvre des initiatives de renaturation. Il est donc crucial de clarifier les définitions pour permettre aux acteurs de terrain de mieux comprendre et appliquer les concepts de renaturation.


Dans la loi Climat et Résilience, c’est le terme renaturation qui prévaut, sous l'angle de la désartificialisation. Cette notion va au-delà de la simple classification binaire des espaces artificialisés ou non selon la classification dans les documents d’urbanisme ou les fichiers fonciers. En effet, l'artificialisation est définie dans la loi « comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol » (fonctions climatique, biologique, hydrique, potentiel agronomique) (article 192). Ainsi, la renaturation vise à récupérer les fonctions écologiques qui ont été altérées ou perdues. Or, aucun référentiel ne précise à ce jour de seuil de bon état des fonctions, rendant difficile la qualification d’un projet de renaturation. 


D’autres termes, utilisés dans la littérature scientifique, pourraient aussi être utilisés pour préciser la nature des projets entrepris : c’est le cas de la réhabilitation (“rétablissement ou amélioration du fonctionnement et du niveau de biodiversité d’un écosystème, sans revenir à l’état d’un écosystème préexistant”), de la remédiation (“élimination des impacts négatifs environnementaux et sociaux, comme la pollution ou l’exploitation non-durable d’une ressource”), la réaffectation (“attribution d’un nouvel usage, qui peut être sans ou avec lien fonctionnel ou structurel avec l’écosystème préexistant, à un site fortement dégradé”) (Madl, 2024). Ces différents termes ont pour point commun de suggérer une attention à la multifonctionnalité des écosystèmes ; à l’inverse, de nombreux termes parfois utilisés à tort comme synonymes de la renaturation signalent une approche mono-fonctionnelle : c’est le cas de la désimperméabilisation (fonction hydrique) ou de la végétalisation (qui signale plutôt un service paysager). Si le document de cadrage précise (en p. 47) les différentes définitions, il faudra apporter une attention particulière à ce que ce soient bien des mesures agissant sur la fonctionnalité des écosystèmes (soit la définition du terme “renaturation”) qui soient encouragées, au détriment des approches mono-fonctionnelles.


Ainsi, il serait bienvenu de préciser, dans le cadre PNRN, ce qu’il est entendu – et attendu – précisément par restauration ou renaturation. Ainsi, la définition de la renaturation présente dans la loi climat et résilience pourrait être celle retenue pour mesurer les actions entreprises, de sorte que la renaturation se mesure à la fonctionnalité des écosystèmes obtenue par les différentes actions entreprises. En fonction des éventuelles évolutions de la loi climat et résilience, le PNRN devra en revanche garantir que cette définition fonctionnelle demeure dans l’application du plan, au détriment d’une définition plus mécanique des espaces renaturés qui serait basée uniquement sur l’occupation du sol – comme c’est actuellement le cas, jusqu’en 2031, pour la comptabilisation de l’artificialisation.


En outre, la définition des projets de renaturation de bonne qualité pourrait passer par la création de référentiels de bon état écologique par type de milieux ; en tout état de cause, un prolongement de l’étude de référence Indiquasol serait souhaitable pour mettre au point ces référentiels. Cette clarification scientifique et juridique est essentielle pour garantir une application du règlement de restauration de la nature cohérente et efficace à l'échelle nationale.


Proposition 1 : Affirmer l’importance d’une compréhension multifonctionnelle de la renaturation, soit la définition de la loi climat et résilience, pour les actions de renaturation couvertes par le plan ; mettre au point des référentiels des fonctions écologiques des sols basés sur une étude scientifique d’ampleur.


b. Mettre l’accent sur la restauration en dehors de la compensation


Ce que dit le document de cadrage du PNRN : La notion de compensation apparaît dans le texte du Règlement dans le contexte des mesures de préservation des habitats d’intérêt communautaire, à titre dérogatoire et à l’échelle biogéographique. Le cadre des autres mesures de restauration reste cependant assez libre, et laisse la place à une interprétation qui comptabiliserait les actions de restauration compensant de nouvelles destructions dans les objectifs.


De nombreuses raisons peuvent pousser les acteurs à s’engager dans des projets de renaturation (voir Fédéscot, Guide Renaturer, 2024). Parmi elles figure la compensation écologique dans le cadre de la séquence Eviter, Réduire, Compenser (ERC). Cette renaturation entre donc dans un jeu “à somme nulle”, où la renaturation permet en quelque sorte une dégradation de la biodiversité par ailleurs : la logique de compensation, par sa nature même, ne peut garantir qu'un bilan au mieux neutre, où les gains écologiques obtenus ne font que contrebalancer les pertes causées par ailleurs. Une telle approche ne permet pas de véritable amélioration de l'état écologique global. En particulier, il apparaît aujourd’hui que la stratégie de localisation et de déploiement des mesures compensatoires ne vise pas prioritairement à générer un gain écologique important, mais répond à d’autres contraintes économiques et foncières. Une étude publiée en février 2024 décrit comment “la plus grande part des sites dédiés à la compensation (64 % de la surface des mesures) se situe sur les espaces à meilleure intégrité biophysique en France, voire même (pour 40 % de la surface des mesures) dans le meilleur quartile du territoire” (Padilla, 2024). Dans ce contexte, les plus-values écologiques obtenues sont rarement à la hauteur des dégradations et destructions d’espaces naturels en étant à l’origine.


Il est donc nécessaire d'envisager la renaturation comme une démarche proactive et indépendante, visant à restaurer et améliorer les écosystèmes au-delà des simples obligations de compensation. Cela implique de consacrer des ressources spécifiques à des projets de renaturation ambitieux, sélectionnés pour leur potentiel écologique et non pour leur capacité à compenser des pertes ailleurs. 


En revanche, dans le cadre de l’application de la séquence ERC et pour reprendre les éléments de définition listés ci-dessus, c’est bien de restauration écologique qu’il pourrait s’agir – la séquence ERC, selon la loi de reconquête de la biodiversité de 2016, devant garantir une absence de perte nette de biodiversité dans la durée. Dans ce cadre, estimer un état initial projeté par rapport à des référentiels par milieu permettrait de mieux mesurer l’apport des mesures compensatoires. 


Proposition 2 : Pour garantir des impacts positifs significatifs en termes écologiques, il est essentiel que les efforts de renaturation soient entrepris essentiellement en dehors du cadre de la compensation. Autrement dit, il conviendrait d’exclure des calculs de l’atteinte des objectifs de restauration les projets ayant résulté de destructions par ailleurs.


  1. Données et diagnostics. Où restaurer ? Améliorer la connaissance des sols pour optimiser l’application du règlement


Ce que dit le document de cadrage du PNRN : Le document de cadrage souligne à plusieurs reprises la nécessité d’une meilleure connaissance des milieux à restaurer et préserver, et notamment de leurs sols, mais le fait de manière isolée pour chaque type d’écosystème (urbain, agricole, forestier). 


L’article 1 du règlement impose aux États membres de l'UE de mettre en œuvre, d'ici à 2030, des mesures de restauration sur 20 % des terres et des espaces marins et l’ensemble des écosystèmes d’ici à 2050, mais uniquement dans les zones dont l'état est connu ; le règlement précise que l’état de l’ensemble des différents types d’habitats doit être connu d’ici à 2040. Or, le règlement ne précise pas à quelle échelle la connaissance doit être disponible pour considérer que l’on connaît, ou non, l’état d’un écosystème. En ce qui concerne les sols, la donnée la plus homogène est à l’échelle 1/250 000, via le programme “Inventaire Gestion et Conservation des Sols (IGCS). Une connaissance homogène des sols à une échelle plus fine serait ainsi nécessaire pour une bonne application du règlement.


A ce titre, plusieurs propositions de diagnostic des sols lors des ventes, inspirées du “Diagnostic de performance énergétique” (DPE) ont émergé dans le débat public et parlementaire. Le 5 juin 2023, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) a suggéré la mise en place d’un diagnostic standardisé et économiquement accessible imposé au moment des ventes et des mises en location de terrains nus ou de bâtiments associés à au moins cinquante mètres carrés de terrain non bâti, visant à produire une base de données nationale sur l’état des sols. Par la suite, une proposition de loi portée par le député Richard Ramos en octobre 2023 vise à instaurer un diagnostic de santé des sols pour évaluer leur capacité à remplir leurs fonctions écologiques. La proposition de loi a été envoyée à la Commission des affaires économiques sans être mise à l’ordre du jour. Dans une autre proposition de loi, la sénatrice Nicole Bonnefoy propose en février 2024 la notion de diagnostic de performance écologique des sols (DPE) pour les immeubles à usage agricole et les bois et forêts. Cette proposition de loi mettait l’accent sur l’élaboration d’un cadre réglementaire pour la conservation des sols. Elle a été rejetée par le Sénat le 15 février 2024.


Au vu de ces propositions, l’Institut de la Transition foncière a proposé d’étudier la faisabilité de rendre obligatoire la réalisation d’un diagnostic des sols lors des mutations immobilières, en se basant sur un scénario inspiré des propositions précitées. Il recommande ainsi la mise en place d’un diagnostic de qualité des sols pour les 4 fonctions listées par la loi Climat et résilience, réalisable lors des mutations immobilières, avec pour objectif la création de données homogènes à l’échelle nationale ; l’Institut précise également dans son rapport certaines conditions techniques de réalisation du diagnostic (Institut de la Transition foncière, “Connaître la qualité des sols pour mieux les préserver : un diagnostic au moment des ventes ?”, juin 2025).


Cette proposition permettrait en outre d’appliquer la directive européenne sur la surveillance des sols en cours d’adoption, en faisant remonter une donnée harmonisée et à plus petite échelle de la qualité des sols.


Proposition 3 : Mettre en place un diagnostic obligatoire de qualité des sols dans les mutations immobilières pour accélérer la connaissance de l’état de ces écosystèmes.


3. Outils et méthodes. Comment restaurer ?


a. Choisir les bonnes techniques de renaturation


Ce que dit le document de cadrage du PNRN : Pour les espaces classés naturels, agricoles ou forestiers (ENAF), le document de cadrage propose principalement d’inciter à l’évolution des pratiques pour prévenir les dégradations. En ce qui concerne les milieux urbains, document souligne le besoin ainsi qu l’absence d’outils opérationnels permettant de construire les stratégies et les projets de renaturation.


Dans le contexte d’accélération législative sur les enjeux de gestion des sols (loi climat et résilience, règlement sur la restauration de la nature, directive sur la surveillance des sols…), de nombreuses publications fleurissent pour accompagner les acteurs, territoriaux et opérationnels, dans leurs stratégies de renaturation : il peut s’agir de travaux de recherche sur la réhabilitation des sols dégradés, la restauration des fonctions des sols, la construction de technosols à partir de déchets et sous-produits urbains, ou la phytoremédiation des sols pollués, ou de documents techniques (guides de bonnes pratiques, cas d’étude, …) à destination des acteurs de la planification et de l’aménagement, destinés à outiller les collectivités et les entreprises. Cependant, ils restent peu diserts sur les techniques, et ne proposent pas une aide à la décision pour le choix d’une technique de renaturation adaptée à un contexte donné, dans une approche multi-fonctionnelle des sols (voir proposition 1).


En matière d’échelle spatiale, les documents disponibles se positionnent soit à une échelle très large, territoriale, en proposant des méthodologies d’identification des zones à renaturer, au niveau de la planification ; soit à une échelle assez réduite, dans le cadre de retours d’expériences spécifiques. L’échelle de l’opération d’aménagement reste assez peu explorée dans les guides techniques et dans les référentiels identifiés, alors que c’est à cette échelle et dans ce cadre-là que sont nombreuses les opportunités de financer la renaturation, d’identifier les sites, de disposer de temps de chantier… 


Les ressources existantes et identifiées tendent à aborder la renaturation des sols selon différents prismes privilégiés reflétant seulement certains aspects du processus de renaturation : 


  • le prisme de la désimperméabilisation ;

  • celui de la restauration écologique des écosystèmes, qui se limite à une prise en compte de la biodiversité de surface, sans forcément prendre en compte la biodiversité souterraine ;

  • le prisme de la dépollution qui renvoie à une réglementation spécifique pour les sites et sols pollués avec une filière et des standards partagés sans toutefois, prendre en compte les techniques plus émergentes, basées sur l’ingénierie écologique (phytoremédiation, mycoremédiation) ni être suffisamment articulé avec les nouvelles préoccupations sur la restauration des fonctions des sols ;

  • les techniques de construction de technosols, assez documentées mais qui positionnent davantage les technosols comme support de végétalisation que comme support de vie du sol.


Ainsi, les acteurs ne disposent pas d’un référentiel commun des techniques de renaturation inscrit dans une lecture multifonctionnelle des sols dégradés, et les techniques présentées dans les guides existants ne sont pas systématiquement articulées avec le contexte des sites concernés


C’est dans cette perspective que l’Institut de la Transition foncière développe, avec le soutien de l’Ademe, un Référentiel des techniques de renaturation, véritable outil d’aide à la décision pour les projets de renaturation. Il s’agit ainsi de : 


  • Diffuser une meilleure connaissance des sols et de leurs enjeux dans les projets d’aménagement et immobilier (sémantique, acteurs et compétences nécessaires) en dépassant les visions “surfaciques” (ex : Coefficient de Biotope par Surface)

  • Aider à connaître et hiérarchiser les objectifs d’une mesure de renaturation par refonctionnalisation des sols

  • Guider la décision en fonction des objectifs, des coûts, de la temporalité et des choix techniques 

  • Rapprocher les pratiques déjà couramment mises en place sur les projets (ex: études de sols déjà réalisées), des techniques de renaturation du sol  

  • Orienter vers les acteurs nécessaires à cette mise en oeuvre 


Proposition 4 : Participer à la diffusion de référentiels sur les techniques de renaturation prenant en compte la mutlifonctionnalité des sols, tels que le Référentiel des techniques de renaturation de l’Institut de la Transition foncière soutenu par l’Ademe.


b. Proposer un modèle économique à la renaturation


Ce que dit le document de cadrage du PNRN : La question du modèle économique est abordée sous les angles des projets d’aménagement et des exploitations agricoles. Pour ces dernières, il est proposé de rémunérer les services environnementaux rendus par les pratiques agroécologiques pour compenser les manques à gagner. Dans le contexte urbain, outre la pérennisation des financements du Fonds Vert, la définition de nouveaux modèles économiques intégrant la valeur de la nature est mise en avant mais sans spécifications.


La renaturation présente un coût important, désormais établi par la littérature scientifique : entre 50 et 800 euros du m2, en fonction de l’état initial et de l’ambition du projet (Salin et al., 2025). Si aucun retour sur investissement direct ne peut être attendu financièrement a priori de la renaturation, la restauration d’un bon état écologique des fonctions des sols permet d’assurer la fourniture de nombreux services écosystémiques, parmi lesquels :  


  • Le maintien de l’infiltration des eaux et d’une réserve utile en eau dans les seuils normaux et donc, la prévention du risque inondation, mais aussi le rafraîchissement urbain ; 

  • Le maintien d’un potentiel agronomique ; 

  • Le stockage du carbone et donc, l’atténuation du changement climatique ;

  • Le maintien de la biodiversité et des services écosystémiques qui y sont associés.

  • La renaturation, notamment en milieu urbain, participe à l’amélioration du cadre de vie, étant aujourd’hui établi que l’accès des populations urbaines à des espaces de nature est bénéfique pour leur santé physique (qualité de l’air, activité physique, confort thermique) et mentale.


La restauration des fonctions des sols est un investissement dont les dividendes se matérialisent de plusieurs manières. Selon l’IPBES, déjà cité en introduction, “la restauration des terres et la prévention de leur dégradation ont un meilleur rapport coût-efficacité que toutes les autres mesures d’atténuation [du changement climatique]”. 


Ces services mériteraient d’être valorisés économiquement. 


C'est pour visibiliser financièrement les externalités positives de la renaturation – mais aussi les externalités négatives de l’artificialisation – que l'Institut propose un nouveau modèle de bilan d'opération, dit “de transition foncière”, qui prenne en compte la nécessaire restauration à long terme des écosystèmes dégradés. Les opérations d’aménagement et de promotion ayant un impact négatif sur la qualité des sols (soit des externalités négatives) se verraient appliquer un “malus” – soit une collecte du coût projeté de la remise en état initial des fonctions des sols. Ce malus pourrait être reversé sous forme de “bonus” aux opérations de renouvellement urbain déficitaire et surtout, aux projets de renaturation.


Les “coopératives carbones” ou “banques de compensation” récemment créées ou en cours de préfiguration pourraient être pertinentes pour assurer cette péréquation ; les montants collectés pourraient également abonder le Fonds vert.


Proposition 5 : Faire évoluer le modèle économique des opérations immobilières et d’aménagement en y intégrant une valorisation économique des sols non-artificialisés et renaturés, et assurer la péréquation sous-forme d’un “bonus-malus” entre opérations dégradant les sols et projets de renaturation.


4. Gouvernance. Comment garantir la mise en œuvre du règlement par les parties prenantes ?


Ce que dit le document de cadrage du PNRN : Le document de cadrage identifie les politiques publiques européennes, nationales et locales qu’englobent les objectifs du règlement de restauration de la nature et forme le vœu que le PNRN fasse “ensemblier” des plans et objectifs préexistants grâce à sa transversalité (p. 74).


Or, le document de cadrage ne donne à ce stade pas d’orientation sur le pilotage du PNRN, sa déclinaison territoriale, sa supervision scientifique. Le partage de responsabilité n’est pas esquissé entre les différentes administrations et différents échelons, et le rôle que peut être amené à jouer le secteur privé n’est pas explicité à ce stade. A ce titre, un lien gagnerait à être fait avec la feuille de route sur l’ingénierie et le génie écologique présentée en juin 2025.  


Ainsi, le PNRN devra comporter des éléments précis sur ces enjeux de gouvernance, en particulier : 


  • Pilotage : quelle agence ou administration est chargée du pilotage ? Quels sont les moyens qui lui sont attribués pour assurer la coordination et l’évaluation ? Comment les objectifs finaux et intermédiaires sont-ils séquencés et évalués ?  Une délégation interministérielle pourrait utilement être créée pour le suivi de ce plan, afin de garantir la mobilisation des différentes administrations pour l’atteinte des objectifs. 


  • Financement : comment sécuriser un financement pluriannuel du plan, que ce soit pour appuyer les mesures elles-mêmes comme pour assurer la coordination et l’évaluation jusqu’en 2050 ? Un financement pluriannuel pourrait être consolidé, en mobilisant différentes sources de financement comme esquissé dans la Stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique présentée en octobre 2024.


  • Supervision scientifique : quel suivi scientifique du plan est prévu ? quel consortium de recherche est mobilisé pour vérifier la pertinence du plan lui-même, des mesures réalisées sur le terrain ensuite, du calcul de l’atteinte des objectifs enfin ? Le rôle du conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité à ce titre devra être précisé.


  • Déclinaison territoriale : dans quelle mesure l’Etat déconcentré est-il mobilisé, sur quelles missions, avec quelles responsabilités ? Quel sera le rôle des préfets dans cette déclinaison, et quelle priorité sera donnée au suivi de ce plan par rapport à d’autres politiques publiques sectorielles ? Quelles sont les responsabilités des collectivités, quels sont les éventuels transferts de fonds prévus pour les appuyer ?  Dans un contexte de tension croissante sur les finances locales, l’accompagnement des collectivités locales à la déclinaison du plan revêt une importance particulière ; des mécanismes innovants de financement devraient être mis en place, tel celui présenté en proposition 5 d’un bonus-malus en fonction de l’impact sur les fonctions des sols. 


  • Mobilisation des acteurs : Quel rôle sont appelés à prendre les agences de l’Etat – notamment Office français de la biodiversité, Ademe, Conservatoire du littoral, Cerema… – dans la mobilisation et l’accompagnement des acteurs ? La coordination de ces acteurs devra être pensée, en désignant un chef de file et en incluant les partenaires de la société civile (Institut de la Transition foncière, Plantes et Cité, Union des professionnels du Génie écologique, Union des entreprises du paysage…) et du secteur privé (groupe de travail entreprises privées de l’Association française pour l’étude des sols par exemple, adhérents de l’Institut de la Transition foncière). 


  • Mise à disposition de ressources : comment assurer la montée en compétences des acteurs pour atteindre les objectifs du PNRN, mais aussi la montée en puissance de la filière génie et ingénierie écologique – dans le respect des écosystèmes fonctionnels ? Un travail de clarification des différents centres de ressources existants serait utile, de même que la mise à disposition d’une cartographie et annuaire des projets exemplaires de renaturation afin de faciliter le partage d’informations – telle celle en cours de constitution par l’Institut de la Transition foncière. La feuille de route ingénierie et génie écologique devra être intégrée au PNRN pour assurer la montée en capacité des acteurs de la filière, notamment sur le plan de la formation (axe 3 de la feuille de route). 


Proposition 6 : Préciser au sein même du PNRN les éléments de gouvernance tels que listés ci-dessus : pilotage, financement, supervision scientifique, déclinaison territoriale, mobilisation des acteurs, mise à disposition de ressources. 


Conclusion


Les sols, fondements invisibilisés mais vitaux de nos écosystèmes et conditions de vie, constituent un enjeu majeur pour l’avenir de nos sociétés. Leur dégradation accélérée menace non seulement la biodiversité, la sécurité alimentaire et la régulation climatique, mais aussi la résilience même de nos territoires. Face à ce constat, les propositions portées par l’Institut de la Transition foncière tracent une feuille de route ambitieuse, articulant clarification juridique, évolution technique et innovation économique. La renaturation ne peut plus être envisagée comme une simple compensation ou une contrainte réglementaire, mais comme une opportunité stratégique pour reconstruire des écosystèmes fonctionnels et durables.


En précisant les définitions, en systématisant les diagnostics et en intégrant la valeur écologique des sols dans les modèles économiques, nous disposons des outils pour inverser la tendance. Pourtant, le succès de cette transition dépendra de notre capacité collective à dépasser les logiques sectorielles et à inscrire ces démarches dans une vision à long terme. Les exemples concrets, comme ceux de Ris-Orangis ou de Rouen, démontrent que la connaissance fine des sols permet déjà d’éclairer des choix d’aménagement plus vertueux. Il s’agit désormais de généraliser ces pratiques, en s’appuyant sur des indicateurs robustes et des financements adaptés, pour faire des sols un pilier – et non plus une variable d’ajustement – des politiques publiques et des projets d’aménagement.



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