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Réformes du ZAN : quels impacts pour l'agriculture ?

Dernière mise à jour : 2 mai






  • On estime à 390 000 hectares les terres agricoles préservées par la mise en œuvre du ZAN dans sa version de 2021 (dit ZAN 1).

  • L'application stricte de la proposition de loi TRACE (dite “ZAN 3”) déboucherait sur 60% d’artificialisation en plus en France à l’horizon 2050 comparé à la première version du ZAN, soit 200 000 ha supplémentaires – équivalent à la surface du département du Tarn-et-Garonne. Ceci, dans l'hypothèse où la proportion de loi TRACE permet bien d'arriver au Zéro Artificialisation Nette en 2050.

  • Au total, on peut estimer que le vote de la proposition de loi TRACE dans sa rédaction actuelle mènerait à l’artificialisation de 500 000 hectares d’ici 2050, soit l’équivalent de l'Aveyron.

  • Dans cette hypothèse, ce serait 3 000 exploitations agricoles menacées de disparition par l’artificialisation à l’horizon 2050.

  • Le manque à gagner du fait de l’artificialisation supplémentaire permise par le ZAN 3 serait de 110 millions d’euros d’ici à 2050 pour la production céréalière, soit plus de 1 milliards d'euros pour l'ensemble du monde agricole.

  • L’artificialisation supplémentaire des surfaces de cultures céréalières.

  • En prenant en compte une estimation haute - c'est-à -dire les chiffres de l'artificialisation selon Teruti Lucas [1] - les chiffres avancés doivent être multipliés par trois.


L’artificialisation des sols concerne, en premier chef, l’agriculture : 89% de l’artificialisation se fait sur des terres agricoles [2]. La loi Climat et résilience, en fixant les objectifs de “Zéro artificialisation nette” (ZAN) à horizon 2050 et de réduction de moitié de l’artificialisation en 2031 par rapport à la décennie 2011-2021, permet ainsi de réduire fortement la pression de l’urbanisation sur les terres agricoles et la production alimentaire. Ces objectifs sont ainsi salués par les organisations agricoles, qui redoutent leur assouplissement [3] . 


Or, depuis l’automne 2024, plusieurs textes de loi, en  cours d’examen, proposent d’assouplir ces objectifs et leur application : 

  • La proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation (TRACE), votée au Sénat le 18 mars 2025, et qui pourrait être examinée à l’Assemblée nationale en juin 2025.

  • La proposition de loi de simplification de la vie économique, adoptée au Sénat en octobre 2024, est examinée à l’Assemblée nationale le 30 avril 2025.


Dans ce briefing, l’Institut de la Transition Foncière propose une quantification des gains apportés par le ZAN [4] en termes de surfaces agricoles préservées de l’artificialisation, mais aussi en termes de production alimentaire et d’impacts économiques pour le secteur – et de les comparer avec un scénario dans lequel les propositions inscrites dans la proposition de loi (PPL) TRACE, dans sa version adoptée par le Sénat, seraient appliquées.



  1. Le ZAN : une protection non négligeable pour l'agriculture française



Introduit par la Loi Climat et Résilience de 2021, l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN), dit ici ZAN 1, se traduit par l’objectif d’atteindre la neutralité en termes d’artificialisation des sols à l’horizon 2050, et de diminuer par deux l’artificialisation des sols en 2031 par rapport à la période 2011-2021 [5]. 


Le tableau et graphique suivant synthétisent l’impact, en termes d’hectares artificialisés, de l’application de la proposition de loi TRACE, comparativement à l’application du ZAN dans sa version de 2021 et de l’absence de ZAN, basé sur des projections de l’artificialisation. La méthodologie de calcul et les estimations utilisées dans toute la note figurant en annexe.





Les différentes versions du ZAN ont un impact très variable sur l'artificialisation à l’horizon 2050. L’artificialisation globale à horizon 2050 évolue de près de 60% entre le ZAN 1 et le ZAN 3, soit 200 000 hectares supplémentaires ce qui équivaut à la superficie du Tarn-et-Garonne.






  1. Revenir sur le ZAN : quels impacts pour l'agriculture française ?


    A. Une artificialisation des terres agricoles en forte augmentation



Une mise en place stricte du ZAN 1 permettrait ainsi d’éviter 380 000 hectares artificialisés d’ici 2050, si l’on compare à une situation sans objectif ZAN. L’artificialisation touchant majoritairement des espaces agricoles, 89% selon le ministère de la transition écologique [6], le ZAN 1 promet donc d’épargner 340 000 hectares de terres agricoles d’ici à 2050.


La proposition de loi TRACE, dans sa version adoptée au Sénat, propose les modifications suivantes : 

  • Report de l’objectif intermédiaire ; initialement prévu en 2031, celui-ci est décalé à 2034. Le niveau d’ambition de l’échelon intermédiaire est également modifiable, il est décidé par les régions et celui-ci doit seulement être “cohérent” avec l’objectif final.

  • Report des obligations de production des documents d’urbanisme

  • Non comptabilisation des projets d'envergure nationale et européenne (PENE) dans le décompte de l’artificialisation ainsi que leurs infrastructures connexes, soit 12 500 hectares, ainsi que de 10 000 hectares de projets industriels sur 5 ans 

  • Implantation industrielle et leurs raccordement au réseau électrique

  • Non-comptabilisation jusqu’en 2036 des infrastructures de production d’énergie renouvelable (ENR)

  • Non-comptabilisation jusqu’en 2036 de la construction de logements sociaux dans les communes carencées au titre de la loi SRU. 

  • Non-comptabilisation : 

    • des infrastructures liées aux réseaux publics d’eau et d’assainissement et les opérations de construction ou d’extension de postes électriques de tension supérieure ou égale à 63 kilovolts. 

    • des établissements de l’enseignement secondaire et technique

    • des aires d’accueil des gens du voyage

    • Droit au dépassement de 20 % de l’enveloppe foncière théorique des collectivités telle que résultant de la déclinaison et de la territorialisation des objectifs fixés dans les documents régionaux de planification.


De 10 000 hectares en moyenne sur les 25 prochaines années avec le ZAN 1, l’application de la PPL TRACE devrait, selon nos estimations détaillées en annexe, impacter au moins 15 000 hectares de terres agricoles chaque année jusqu’en 2050. Ce serait donc une augmentation de 60 % de l’artificialisation des terres agricoles, représentant 180 000 hectares d’ici 2050, soit la moitié de la surface agricole utile (SAU) de l'Indre et Loire. 


En appliquant théoriquement, sans tenir compte de la planification territoriale, cette artificialisation à l’échelle de chaque département, on obtient la perte projetée d’hectares d’espaces agricoles par départements comparé au ZAN 1 : c’est 31 départements minimum qui perdraient plus de 3 000 hectares de surface agricole à l’horizon 2050 entre le ZAN 1 et ZAN 3. 


B. Une production agricole en déclin


En favorisant la disparition de terres agricoles, l’artificialisation a une incidence sur la capacité de production alimentaire en France, et ainsi sur sa souveraineté alimentaire. 


À partir de l’espace agricole susceptible d’être artificialisé dans le cadre de l’application du ZAN 3 en comparaison au ZAN 1, il est possible d’obtenir une projection des tonnes de céréales et d’oléagineux qui ne seront pas produites. 




La grande culture représente près de la moitié des espaces agricoles. Au sein des exploitations de grandes cultures, 60% d’entre elles cultivent des céréales [7]. En appliquant ces proportions aux hectares qui risquent d’être artificialisés on peut estimer qu’environ 65 500 hectares dédiés à la production céréalières pourraient être artificialisés avec l’application du ZAN 3 en comparaison au ZAN 1.




Le rendement moyen des céréales est d'environ 73,5 quintaux par hectare chaque année. Ainsi, à horizon 2050, les terres artificialisées sur des espaces utilisés pour la production de céréales pourraient entraîner une diminution d’environ 450 000 tonnes de céréales, soit 15 000 tonnes annuelles en moins par rapport au ZAN 1.





C. Un impact économique significatif


Le tonnage estimé permet de déduire la perte économique engendrée par la disparition des espaces agricoles. L’hectare de céréales a rapporté environ 1 900 € en moyenne au secteur agricole en 2022 [8]. Rapporté aux estimations de tonnage en moins par la mise en place de la PPL Trace en comparaison au ZAN 1, cela représente un manque à gagner de 115 millions d’euros rien que pour la production de céréales. Ce manque à gagner pourrait être de plus de 1 milliard d'euros pour l’ensemble du monde agricole [9].


D. Une diminution de la souveraineté alimentaire


Au-delà d’estimer le manque à gagner pour l’agriculture, la tonne produite par hectare permet d’estimer le nombre de consommateurs potentiellement impactés par l’artificialisation. 


En considérant qu’un français mange en moyenne 110 kg de céréales par an [10], nous pouvons déduire que la perte de production céréalière causée par l'artificialisation supplémentaire des sols agricoles induite par la PPL TRACE représente la consommation annuelle de l’ensemble de la ville de Dijon ou du département du Cantal. 



En conclusion, l’application de la proposition de loi TRACE, telle que votée au Sénat, entraînerait une augmentation de l’artificialisation très importante : 70% de plus en comparaison au ZAN 1. Le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement en examen à l’Assemblée nationale, limitant encore davantage les objectifs et modalités d’application du ZAN notamment par de nouvelles exemptions, aurait des conséquences semblables ou supérieures qu’il reste à estimer. Certains amendements déposés pour l’examen du texte en séance publique, viendraient même jusqu’à supprimer purement et simplement l’objectif du ZAN. Cette hausse de l’artificialisation aurait des conséquences qui toucheront principalement le monde agricole, économiquement et socialement, tout en fragilisant à long terme et de manière irréversible les capacités de productions agricoles françaises. Des conséquences sont à envisager concernant le taux d’importations des denrées agricoles et ainsi la résilience de nos chaînes d’approvisionnement alimentaire.



Annexes : Méthodologies et hypothèses


  1. Hypothèses retenues pour les estimations d'artificialisation dans les différents scénarios (san ZAN, ZAN 1, ZAN 3)


Pour l’absence de ZAN, nous choisissons de garder la moyenne de l’artificialisation sur la période de référence 2011-2021. Nous ne prenons pas en compte le ZAN 2 (loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols) qui ne modifie pas substantiellement les chiffres de l’artificialisation. Les différentes projections sont donc la différence entre le ZAN 1 et le ZAN 3. 


Pour obtenir les résultats du ZAN 1, l’Institut de la Transition Foncière se base sur la période de référence de l’artificialisation entre 2011-2021. Nous projetons la moyenne annuelle d’artificialisation à l’hectare x29 années, soit la période entre 2021 et 2050. À cela s’ajoute l’objectif intermédiaire de 50% atteint en 2030 jusqu’à atteindre le zéro artificialisation nette en 2050. Pour le calcul du ZAN 3, nous ajoutons comme expliqué ci-dessus les allègements  induits par la PPL TRACE.


  1. Estimations des impacts en termes d’hectares artificialisés de la proposition de loi TRACE, telle que votée en séance publique au Sénat le 18 mars 2025  


Avec une analyse prospective et sur la base de différents rapports ministériels, de l’INSEE et de l’AGRESTE, l’Institut de la Transition Foncière propose des estimations des hectares qui risqueraient d’être artificialisés dans le cadre d’une application stricte du ZAN 3. Le tableau ci-dessous présente les mesures de la PPL TRACE, avec les hypothèses retenues par l’Institut pour estimer leur impact sur les rythmes d’artificialisation et la production agricole.


Disposition de la proposition de loi ZAN 3

Hypothèse retenue par l’Institut de la Transition Foncière

Report de l’objectif intermédiaire ; initialement prévu en 2031, celui-ci est décalé à 2034. Le niveau d’ambition de l’échelon intermédiaire est également modifiable, il est décidé par les régions et celui-ci doit seulement être “cohérent” avec l’objectif final.

Hypothèse optimiste : maintien de l’objectif intermédiaire à 50% en 2034.

Report des obligations de production des documents d’urbanisme

Non pris en compte dans nos calculs

Non comptabilisation des projets d'envergure nationale et européenne (PENE) dans le décompte de l’artificialisation ainsi que leurs infrastructures connexes, ainsi que de 10 000 hectares de projets industriels sur 5 ans [11] 

12 500 ha pour le PENE minimum (surface des infrastructures connexes non estimée à ce stade)

10 000 ha pour les projets industriels

Droit au dépassement de 20 % de l’enveloppe foncière théorique des collectivités telle que résultant de la déclinaison et de la territorialisation des objectifs fixés dans les documents régionaux de planification 

Pris en compte dans les calculs

Non-comptabilisation jusqu’en 2036, des implantations industrielles 

Non mesuré à ce stade 

Non-comptabilisation jusqu’en 2036 des infrastructures de production d’énergie renouvelable (ENR)


1000 hectares par an jusqu’en 2028* [12]

Non-comptabilisation jusqu’en 2036 de la construction de logements sociaux dans les communes carencées au titre de la loi SRU. 


2100 hectares par an jusqu’en 2036** [13]

Non-comptabilisation jusqu’en 2036 des : 

  • raccordements électriques nécessaires aux nouvelles implantations industrielles

  • infrastructures de production d’hydrogène vert 

  • postes électriques de tension supérieure ou égale à 63 kilovolts

  • constructions ouvrages, installations nécessaires à l’accomplissement du service public d’eau et d’assainissement

Non mesuré à ce stade


*Les infrastructures de production d’énergie renouvelable (ENR) sont sorties du décompte de l’artificialisation. En ce sens, l’Institut de la Transition Foncière propose une estimation de l'artificialisation imputée à des projets d’ENR. 


En utilisant des études de l’Agence Régionale Énergie Climat (AREC) de l’Institut Paris Région, des rapports du Ministère de la Transition Écologique et le Registre national des installations de production et de stockage d’électricité, nous évaluons la consommation d’espace par des ENR à environ 1000 hectares par an jusqu’en 2028 dans le cadre de Programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE). Cette consommation d’espace devrait augmenter au vu des modifications du PPE [14].





**Le ZAN 3 souhaite retirer du décompte de l’artificialisation les constructions de logements sociaux dans les communes carencées au titre de la loi SRU. En France, chaque année la construction de nouveaux logements représente une consommation d’espace de 15 000 hectares [15] selon le Commissariat Général au Développement Durable. En 2024, 337 000 nouveaux logements ont été construits [16] parmi lesquels 72 000 logements sociaux soit 20% des nouveaux logements. En occupation de l'espace, cela représente 3 000 hectares à destination du logement social. Parmi les nouveaux logements sociaux construits environ 25% le sont en zone rurale [17], les communes rurales n’étant pas concernées par la loi SRU on peut estimer que la construction de logements sociaux dans les communes carencées au titre de la loi SRU pourrait entraîner une artificialisation de 2 100 hectares chaque année. 



  1. Estimations des rendements agricoles à partir des hectares agricoles artificialisés


À partir des hectares agricoles artificialisés, nous pouvons estimer la perte de rendement agricole et donc l’impact économique de l'artificialisation pour le secteur agricole. L’AGRESTE calcule chaque année les rendements moyens par type de production à l’hectare. Ils sont exprimés en quintaux. Pour la production céréalière, le rendement à l’hectare est de 73,5 q/ha. La production de céréales en grande culture occupe 8,9 millions d'hectares en 2020 pour un chiffre d'affaires de 17,1 milliards. La production de céréales a ainsi rapporté au secteur agricole environ 1900 euros par hectare. À partir de ce chiffre, nous pouvons estimer l’impact économique de l'artificialisation, à horizon 2050 dans le cadre de l’application de la PPL Trace comparé au ZAN 1. Pour cela, nous le multiplions par le nombre d’hectares agricoles dédiés à la production céréalière qui seraient artificialisés en 2050. Cela correspond à environ 65 500 hectares, rapporté à 1 900 euros, on obtient 113 millions d’euros de perte économique potentielle. En sachant que la production céréalière représente environ 11 % de la valeur de la production agricole, on peut estimer la perte annuelle à plus de 1 milliards d'euros à horizon 2050.





crédits photo de couverture : Arnaud HERBERT/REA


[4] Version de 2021, dit ZAN 1, qui est utilisée comme référence, considérant marginales les évolutions contenues dans la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, dite ZAN 2.

[9]  Méthodologie présentée en annexe

[11] Annoncé par le gouvernement en avril 2024 suite au plan France 2030, 55 sites industriels vont être construits sur des anciens terrains revitalisés ou dans de nouvelles zones afin de proposer des sites “clés en main” pour des projets industriels de grandes ampleurs. Voir Foncier industriel : 55 sites clés en main annoncés.

[12]   Les projections sont issues du PPE à horizon 2028, voir la méthodologie complète en annexe. 

[13]  La méthodologie utilisée pour comptabiliser l’artificialisation des logements sociaux est disponible en annexe.


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