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CR Sobriété foncière # 4 : Préserver et restaurer les sols - Pourquoi et comment ?

Longtemps considérés comme un potentiel « à exploiter » et un simple support de l’activité humaine, les sols apparaissent aujourd’hui comme une ressource essentielle à préserver pour toutes les fonctions qu’ils remplissent (cycle de l’eau, production agricole, climat, biodiversité, etc.). Préserver et restaurer - ou renaturer - les sols est une clé vitale pour maintenir l’équilibre des écosystèmes dont nous faisons partie. Dans ce 4ème et dernier volet de notre cycle consacré à la sobriété foncière, découvrez les acteurs, outils et moyens d’actions mobilisables pour préserver et renaturer les sols.

Un événement animé par Jean Guiony, Fondateur de l'Institut de la Transition Foncière.

 

Michel-François Delannoy, Directeur du département appui aux territoires à la Banque des Territoires, a introduit l’événement. Il a souligné le fait que la sobriété foncière est globalement acceptée, dans son principe, par les acteurs. Mais pour y parvenir, il faut associer acteurs publics, privés, associatifs et citoyens,... et non-humains.

 

Séquence 1 : « Pourquoi préserver et restaurer les sols ? Quels enjeux territoriaux ? »

  • Lionel Ranjard, Directeur de recherche Agroécologie/biologie à l’INRAE

  • Constance Berté, Chargée de mission politiques foncières à la DGALN

  • Raphaël Forget, Chargé de mission évaluation environnementale au CGDD 

  • Marc Kaszynski, Un représentant du LIFTI 

  • Kathleen Monod, Coordonnatrice thématique "aménagement du territoire", Office français de la biodiversité

 

1. Lionel Ranjard (INRAE Dijon) : Les services écosystémiques rendus par les sols

  • Quelle est la définition des sols et quelles sont leurs fonctions ? 

  • Quelle biodiversité existe dans les sols, comment est-elle impactée par les activités humaines et est-il possible de la faire revenir ? Quand peut-on parler de renaturation ? 

  • 1 exemple concret d’usage des diagnostics de qualité des sols ou de refonctionnalisation d’un sol ?

 

Les sols, des écosystèmes vitaux :

Lionel Ranjard a débuté son intervention en soulignant l’importance capitale des sols dans la fourniture de nombreux services écosystémiques. Les sols jouent un rôle central dans la régulation de plusieurs cycles naturels, notamment le cycle de l’eau et du carbone. Ils agissent comme des puits de carbone, capturant une partie du CO₂ de l’atmosphère, contribuant ainsi à atténuer les effets du changement climatique. Ils régulent également la qualité et la quantité des eaux souterraines en agissant comme un filtre naturel.

 

En plus de leur rôle de régulateurs, les sols fournissent également des ressources essentielles pour l’agriculture. En effet, 95 % des aliments produits proviennent directement des sols, ce qui démontre l’étroite dépendance des sociétés humaines vis-à-vis de la qualité des sols. Ce lien entre la production alimentaire et les sols est indissociable de leur biodiversité.

 

Monétarisation des services écosystémiques des sols :

Les services écosystémiques des sols ont une valeur estimée à 20 trillions de dollars par an à l’échelle mondiale. Cette évaluation témoigne du rôle fondamental que jouent les sols dans le maintien des écosystèmes et de leur contribution à l’économie mondiale.

 

La biodiversité des sols, un trésor caché :

Lionel Ranjard a ensuite abordé la biodiversité exceptionnelle des sols, souvent méconnue du grand public. En moyenne, 10 000 espèces vivent dans un mètre carré de sol, une richesse qui inclut aussi bien des micro-organismes que des vers de terre. Un gramme de sol contient un milliard de bactéries et qu’un hectare peut abriter plusieurs tonnes de lombrics. En tout, environ 59 % de la biodiversité totale de la planète se trouve sous nos pieds, faisant des sols l’un des écosystèmes les plus riches et diversifiés de la planète.

 

Conséquences de la dégradation de la biodiversité des sols :

Une réduction de 30 % de la diversité microbienne dans le sol entraîne des impacts significatifs. La minéralisation de la matière organique diminue de 40 %, la productivité végétale chute de 50 %, et la stabilité structurelle des sols est réduite de moitié. De plus, la survie des pathogènes est multipliée par trois, augmentant ainsi les risques sanitaires pour les cultures.

Inventaire de la qualité microbiologique des sols en France :

L’INRAE mène un inventaire de la biodiversité des sols à l’échelle nationale, mettant en lumière des disparités régionales. Les sols des régions montagneuses présentent une biomasse microbienne plus élevée, tandis que l’équilibre microbien est meilleur dans le Sud-Ouest de la France. En revanche, la diversité des bactéries et des champignons est plus marquée dans les régions de l’Ouest et du Nord-Ouest. Lionel Ranjard a précisé qu'il n'existe pas de sols « morts », mais plutôt des sols plus ou moins vivants, selon leur équilibre entre bactéries et champignons.

 

Le projet ProDij : Transition agroécologique et alimentation durable :

Le projet ProDij vise à évaluer les impacts des pratiques agricoles sur la qualité des sols dans un contexte de transition agroécologique autour de la Métropole de Dijon. Un tableau de bord compile plus de 50 indicateurs relatifs à la chimie, à la physique et à la biologie des sols, permettant ainsi d’évaluer l’impact environnemental des productions agricoles.

 

Parmi les pratiques agricoles évaluées, l’agriculture biologique apparaît comme la plus performante en matière de biomasse et de diversité microbienne, suivie de l’agriculture sans labour, et de l’agriculture avec labour et fertilisation organique. Par contre, pour la diversité des champignons, les différences ne sont pas significatives.

 

L’impact des usages urbains sur les sols a également été abordé. Les sols accompagnant les voiries et les sites récréatifs semblent mieux préserver leur qualité microbiologique que ceux utilisés pour l’agriculture urbaine.

 

Les sols doivent être considérés comme un écosystème vivant, le plus biodiversifié de notre planète. Certains usages, tant agricoles qu'urbains, peuvent dégrader fortement la qualité des sols, ce qui renforce l’urgence d’une réglementation stricte pour protéger ces précieux écosystèmes.

 

2. Constance Berté (DGALN) et Raphael Forget (CGDD) : Réglementation et artificialisation des sols

  • Quel est le cadre législatif et réglementaire concernant les sols au niveau national ? Divisés entre la législation sur la biodiversité, sur l’artificialisation, sur l’agriculture… 

  • Retour sur le ZAN, la compensation/renaturation que l’objectif induira à partir de 2030, Séquence ERC et SNCRR, …

 

Rappel sur le ZAN (Zéro Artificialisation Nette) :

Constance Berté et Raphaël Forget ont expliqué les évolutions réglementaires récentes autour de l’objectif du Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Cet objectif vise à stopper la consommation de terres naturelles et agricoles pour des usages artificialisés (bâtiments, infrastructures, etc.) et à compenser l'artificialisation par des actions de renaturation.

 

Définition de la renaturation :

Introduite dans le code de l’urbanisme, cette définition met l’accent sur la refonctionnalisation des sols, c'est-à-dire tous les processus qui consistent à réallouer des fonctions écologiques à un sol dégradé.

 

La renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.  (art L. 101-2-1, code de l’urbanisme)

 

Prise en compte des sols dans les évaluations environnementales :

Les atteintes portées aux sols sont désormais considérées dans les études d’impact environnemental au même titre que l’eau ou l’air. Cependant, cela ne crée pas de cadre spécifique de compensation de l’artificialisation, et les maîtres d'ouvrage sont libres d’inclure des mesures de compensation s'ils souhaitent rendre leur projet plus vertueux.

 

Leviers pour favoriser la renaturation :

Ils ont mis en avant plusieurs outils stratégiques et financiers pour encourager la renaturation :

  • Les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) peuvent désigner des zones à renaturer.

  • Le droit de préemption urbain permet aux collectivités d'acquérir des terrains en vue de projets de renaturation.

  • Les missions des Établissements Publics Fonciers (EPF) ont été étendues pour faciliter l'acquisition de foncier à des fins de renaturation.

  • Le Fonds Vert, un levier financier dédié, peut être mobilisé pour soutenir ces initiatives.

 

La séquence ERC (Éviter, Réduire, Compenser) :

Pour Constance Berté, le cadre juridique du ZAN et la séquence ERC sont deux politiques qui se rejoignent dans l’objectif de préservation des sols. 

 

Cette séquence, introduite dans le code de l’environnement dès 1976, vise à intégrer les enjeux environnementaux dans les projets de développement. Elle s’applique également aux sols et à la biodiversité des sols. Lorsqu’un projet ne parvient pas à compenser les impacts sur les sols de manière satisfaisante, il peut être refusé. Néanmoins, seuls certains projets, en fonction de leur ampleur et de leur potentiel impact environnemental, déclenchent cette séquence. Dans le cadre de l’évaluation environnementale, la séquence ERC s’applique à l’ensemble des composantes de l’environnement, avec pour objectif l’absence de perte nette, tel que stipulé dans le Code de l’environnement. La maîtrise d’ouvrage est le seul responsable de la mise en œuvre de cette séquence.

La compensation écologique, un des trois volets de l'ERC, ne peut être un outil de financement des politiques de restauration de la nature. Elle doit démontrer une additionnalité écologique réelle, et sa mise en œuvre doit se faire en priorité sur le site d'impact, ou à défaut, à proximité immédiate ou fonctionnelle. 

 

3. Kathleen Monod (OFB) : La renaturation comme processus réparateur

  • Comment poser une terminologie claire ? Compensation écologique, compensation ZAN, renaturation, restauration, refonctionnalisation… 

  • Nous sommes poussés à la clarification et à l’efficacité par un agenda européen : le règlement Restore, quelle capacité de mise en mouvement sur le terrain ? 

 

Kathleen Monod a mis en avant le caractère réparateur de la renaturation, mais a insisté sur la nécessité de prévenir plutôt que de guérir en priorisant la préservation des sols. Selon elle, la renaturation ne doit pas être considérée uniquement comme une opération ponctuelle, mais comme un processus à long terme. Ce processus doit s’adapter aux réalités locales et aux différentes échelles de territoire, de la planification urbaine jusqu’aux stratégies de renaturation au niveau des projets.

 

Un besoin de vocabulaire commun :

Kathleen Monod a souligné l'importance de clarifier les termes associés à la renaturation, notamment la différence entre désimperméabilisation, végétalisation, restauration écologique et compensation écologique. Alors que la restauration écologique vise à retrouver un écosystème de référence, la renaturation peut s’appliquer à des sols artificialisés où il est impossible de restaurer l’écosystème initial. Dans ce cas, l’objectif est de recréer un nouvel écosystème de référence.

 

Une impulsion européenne :

Le Pacte Vert de l’Europe et le règlement européen sur la restauration de la nature, entré en vigueur en août, fixent des objectifs ambitieux, notamment l'inversion du déclin des populations de pollinisateurs d'ici 2030. Les Etats membres ont deux ans pour établir et proposer leurs plans d’action nationaux, avant de les mettre en application. Par ailleurs, une directive sur la surveillance et la résilience des sols est attendue pour 2025, mais elle portera davantage sur la surveillance que sur l’atteinte d’un état de santé optimal des sols. Elle vise à mettre en place un cadre harmonisé de la surveillance et de la protection des sols. 

 

4. Marc Kaszynski (LIFTI) : Acculturation et mobilisation des territoires

  • Quand on est un acteur de terrain, entreprise ou collectivité, par où commencer pour une stratégie de renaturation ou de compensation ? 

  • Quels sont les acteurs qui se projettent aujourd’hui, à l’échelle de toute leur organisation, dans une stratégie de renaturation ?

 

Marc Kaszynski a exploré les enjeux de projet territorial liés à la renaturation des sols. Selon lui, la première étape consiste à acculturer les acteurs locaux, car la question de la renaturation ne doit pas être perçue comme une opposition entre le public et le privé.

Il a identifié trois catégories d’acteurs essentiels :

  • Porteurs de projet : ceux qui initient des actions concrètes.

  • Porteurs de politiques : responsables de l’élaboration des cadres réglementaires.

  • Porteurs de patrimoine : propriétaires fonciers dont les biens peuvent être mobilisés pour des projets de renaturation.

Marc Kaszynski a souligné la nécessité d'une approche bottom-up, où l'écoute des territoires et des besoins locaux est primordiale. Il a insisté sur l'importance de changer la perception des propriétaires de foncier et d’immobilier, en les encourageant à considérer leurs actifs comme des opportunités de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

Le travail auprès des grandes entreprises est crucial pour qu'elles voient leur patrimoine comme un levier pour contribuer à la renaturation. Il a pris l’exemple de SNCF Immobilier, l'un des plus grands propriétaires fonciers en France, pour illustrer ce potentiel.

Enfin, les fonciers déclassés peuvent jouer un rôle clé dans la création de nouvelles zones pour la renaturation et la compensation écologique. L’engagement de ces acteurs, couplé à une meilleure intégration des enjeux fonciers, pourrait transformer les territoires en champions de la renaturation.


 

Séquence 2 : Comment restaurer ? Retours d’expérience et débat  

Première partie 

  • Patrick Pesquet, Vice-Président en charge de la planification, de l'urbanisme et de l'aménagement de Caux Seine agglo, Maire de Saint-Jean-de-Folleville

  • Victor Lavisse, Directeur environnement et biodiversité chez APRC

  • Caroline Leroyer, pour le département de l’Isère

 

5. Patrick Pesquet (Fédération des SCOT) : 

  • Pour les collectivités, comment planifier la renaturation ? Que permet l’échelle du SCoT et quels sont les outils mobilisables ? 

  • Comment éviter l’opposition entre monde agricole (ou élus ruraux) et politiques de renaturation ? 

 

Planification de la renaturation pour les collectivités :
Patrick Pesquet interroge les possibilités offertes par l’échelle du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) et les outils mobilisables pour répondre à l’enjeu de la renaturation. Prenant l’exemple du territoire de Caux Seine agglo – un territoire industriel situé sur l’axe de la Seine et abritant un important site industriel pétrochimique – il souligne la nécessité d'anticiper la transition vers une économie plus durable en prenant en compte les zones humides. Dans l’exemple de Caux Seine agglo, la région fait face à des besoins en foncier pour accueillir une usine de bioplastique, de recyclage et d’hydrogène, tout en étant située en zone humide.

 

Anticipation des enjeux :
Il explique par ailleurs que les opérateurs ne sont pas nécessairement préparés à anticiper ces enjeux ; c'est pourquoi il est impératif de le faire au niveau territorial. En prenant exemple sur les Länder allemands, il propose que la collectivité prenne en charge les travaux de dépollution et les études techniques, afin d’être prête à vendre des compensations environnementales aux porteurs de projet arrivant sur le territoire. Cette démarche pose des questions sur la maîtrise du foncier et l’impact sur les milieux agricoles déjà cultivés.
Le SCoT se présente comme un outil de planification stratégique permettant à différents acteurs (industriels, élus) de co-construire une stratégie commune, en évitant la fragmentation des actions : le rôle du public est alors essentiel pour concilier les enjeux. En effet, la renaturation implique d’autres acteurs que les industriels, notamment les agriculteurs. Le SCoT facilite l’intégration de divers points de vue, avec pour démarche la maîtrise du foncier et la création d'une offre cohérente afin que la renaturation ne soit pas dispersée et difficile à mettre en œuvre.

Promouvoir la connaissance partagée :
Pour éviter l’opposition entre le monde agricole et les politiques de renaturation, Patrick Pesquet insiste sur l'importance de la connaissance partagée. Il cite l’expérimentation Repère, qui cherche à déterminer si les pratiques agricoles peuvent coexister avec la renaturation, en s'appuyant sur l’évaluation et le dialogue, dans un contexte normand où la majorité des exploitations sont en agriculture intensive.

 

Inciter les acteurs privés :
Selon Patrick Pesquet, il n’existe actuellement pas de ligne budgétaire pour la qualité des sols dans le plan comptable d’un projet, ni de dispositifs fiscaux ou financiers. Cela limite l’intérêt économique du monde agricole, qui ne voit pas encore la renaturation comme un complément à sa fonction de production alimentaire. 

En conclusion, le ZAN donne une opportunité de renouveler les documents de planification, et d'inscrire à travers eux l’idée que la gouvernance s’étende à l’échelle d’un département, d’un SCoT, d’un inter-SCoT, voire d’une région.
 

6. Victor Lavisse (APRC) : 

  • Quelle prise en compte de l’empreinte foncière dans les projets logistiques ? 

  • Quand on est une entreprise fabricatrice de grands projets, comment s’y prend-on pour intégrer la renaturation ? Disponibilité des sites, caractérisation des fonciers (statut ambivalent de certains fonciers agricoles, friches, fonciers urbains) 

 

Prise en compte de l’empreinte foncière dans les projets logistiques :
Victor Lavisse a abordé la question de l’empreinte foncière des projets logistiques, souvent critiqués pour leur consommation de foncier. Il partage les propos de Patrick Pesquet concernant la nécessité d'une maîtrise publique proactive sur ce sujet, soulignant que les exemples proactifs comme Caux Seine Agglo sont rares. En tant qu’acteur du secteur, ARPC connaît bien la législation en vigueur, ce qui les amène à adopter une approche différente dans la recherche de foncier.

Besoins économiques et écologiques :
Victor Lavisse souligne que les besoins économiques d’un territoire peuvent également englober des besoins écologiques. Il pose la question de comment les acteurs logistiques peuvent mieux collaborer avec les collectivités : en préférant s’implanter sur des sites dégradés, bien que les collectivités territoriales aient souvent déjà transformé des zones agricoles en zones d’activités économiques (ZAE). La sobriété foncière et le recyclage urbain nécessitent aussi une collaboration étroite avec les riverains qui seront plus exposés aux activités. Enfin, les petits sites, bien qu’ils soient plus faciles à identifier, génèrent une empreinte carbone plus élevée en raison d’un recours accru aux transports routiers.

Stratégies d’intégration des projets de renaturation pour les entreprises :
Pour une entreprise impliquée dans des projets d’envergure, la question se pose : comment intégrer la renaturation ? Victor Lavisse évoque la nécessité de s’assurer de la disponibilité des sites et de procéder à une caractérisation des fonciers, en tenant compte du statut ambivalent de certaines terres agricoles, des friches et des terrains urbains.

Lorsqu'il s'agit de compensation écologique, celle-ci doit être effectuée hors site (ex-situ). Dans ce cadre, une collaboration avec les collectivités et les propriétaires fonciers est essentielle. Victor Lavisse souligne l’importance de s’entourer d'acteurs comme la Caisse des Dépôts et Consignations Biodiversité. 

Actuellement, l’entreprise s’engage dans une réflexion sur ses sites classés Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE), en intégrant des espaces verts significatifs dans ses projets. La gestion des sols pendant la phase de chantier commence à être prise en compte, avec une attention particulière portée sur la manière de conserver les sols vivants. 

 

7. Caroline Leroyer (Département Isère) : 

  • Comment anticiper territorialement la maîtrise foncière pour des terrains à potentiel de compensation environnementale et pérenniser ces espaces ? 

  • Comment articuler les différents types de compensation à construire ? Comment mettre en place des alliances avec d’autres acteurs du territoire pour imaginer d’autres pratiques ?
     

Anticipation territoriale de la maîtrise foncière pour la compensation environnementale :
Caroline Leroyer présente la foncière environnementale de l’Isère, un outil essentiel pour anticiper, organiser et pérenniser les compensations environnementales sur le territoire. Son objectif est de faire de ces compensations un levier d’aménagement durable du territoire. Elle explique pourquoi un département choisit de s'engager dans cette voie.

Croisement des politiques :
Cette compensation environnementale est au croisement des différentes politiques en vigueur :

  • Politique environnementale : bien qu'il existe des Espaces Naturels Sensibles (ENS), aucun outil n'est spécifiquement dédié à la restauration écologique.

  • Politique agricole : une approche assez volontariste pour préserver les terres agricoles. Si les mesures compensatoires sont appliquées sur des terrains agricoles, il est crucial de s'assurer que leur fonction soit maintenue et même améliorée.

  • Politique de développement des territoires : depuis 2021, les élus ont validé l'accompagnement des porteurs de projets qui ne sont pas spécialisés dans la restauration des sites, afin de contribuer à la préservation du foncier tout en gérant la compensation résiduelle après les phases d’évitement et de réduction.
     

Caroline Leroyer souligne le fait que cette compensation reste à la demande, offrant des services de mise à disposition de foncier tout en maintenant la propriété publique. Le département se positionne également en tant qu'opérateur de compensation et assure un suivi à long terme, tout en étant ouvert à la collaboration avec le secteur privé.
 

Gouvernance et choix des terrains :
Elle évoque la gouvernance mise en place, avec un comité réunissant tous les acteurs du territoire. Le choix des terrains constitue la première étape, nécessitant une étude via des Systèmes d'Information Géographique (SIG) pour déterminer leur intégration dans des corridors écologiques et leur proximité avec des sites écologiques existants. La volonté foncière s'inscrit dans un partenariat avec la Safer, afin d’identifier des sites consensuels. En effet, certains terrains ne sont pas consensuels puisque très demandés pour l’agriculture ou d’autres usages (comme la culture de peupliers). 
 

Actuellement, deux sites consensuels de 24 hectares et de 18 hectares ont été acquis, tandis que la taille moyenne des opérations de compensation est de 0,4 hectares. L'animation foncière commence avec des discussions amiables avec les propriétaires, sans encore avoir utilisé le droit de préemption. Un plan opérationnel de restauration de site est ensuite mis en place.
 

Construction de compensations et alliances territoriales :
Caroline Leroyer aborde les défis liés à l’articulation des différents types de compensation. Elle exprime une volonté de s’attaquer à des remblais pollués, des friches industrielles et d'autres sites artificialisés, souvent considérés comme des points noirs écologiques à fort potentiel, mais sous-utilisés par la foncière en raison de coûts élevés.
 

Elle mentionne les liens avec les Établissements Publics Fonciers (EPF) sur le territoire, en rapport avec leurs axes de Planification Pluriannuelle d’Investissement (PPI) sur la renaturation. Elle s’interroge sur la manière de parvenir à un modèle économique viable, où les différents acteurs peuvent se compléter efficacement, notamment en mutualisant la compensation avec le Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Les syndicats de gestion de l’eau (gémapiens) ont également identifié des sites artificialisés dans le cadre de projets de reconquête des Espaces Naturels de Biodiversité (EBF) et des Zones Humides (ZH). 

 

Deuxième partie  : Articulation entre renaturation et compensation (débat)

  • Jean-Christophe Benoit, Directeur du développement territorial et de la renaturation chez CDC Biodiversité

  • Brian Padilla, Ecologue au Musée national d’histoire naturelle

  • Cécile de Coincy, Directrice du développement à Société Forestière de la CDC

 

  • Comment articuler les différentes formes de compensation (écologique, ZAN, carbone) ? Peut-on faire converger la compensation écologique et ZAN (en obligeant par exemple un lien entre compensation écologique et désartificialisation) ? 

  • La compensation est-elle le levier pertinent pour massifier la renaturation ? Quelles en sont les limites et les conditions ? Faut-il aller vers une séquence ERR (Réparation ou Restauration) plutôt que ERC ? 

 

8. Brian Padilla (MNHN) : 

Position sur la compensation écologique :
Brian Padilla exprime son désaccord avec la manière dont le ministère a présenté la distinction entre renaturation et compensation écologique. Il défend l'idée que la compensation écologique vise toujours la désartificialisation et doit se concentrer sur la correction des atteintes à la biodiversité, en intégrant la séquence ERC. Il souligne que cette séquence doit être appliquée à tous les projets d’aménagement afin d'atteindre l'objectif de zéro perte nette de biodiversité.

Critiques des projets actuels :
Brian Padilla met en lumière les lacunes des projets actuels, notamment le fait que de nombreux projets ne déclenchent pas d’évaluation environnementale, ce qui empêche l'application complète de la séquence ERC. Il souligne également que la compensation est souvent perçue comme une solution autonome, alors qu'elle doit être envisagée comme une condition préalable pour les projets d'aménagement.

Vers un changement de modèle :
Il appelle à un changement de modèle d’aménagement pour atteindre les objectifs de zéro perte nette de biodiversité. Brian Padilla met en garde contre le risque que des contributions volontaires ne masquent les obligations réglementaires existantes, et il plaide pour une vision plus intégrée qui inclut à la fois la prévention, la réduction et la compensation.

 

9. Jean-Christophe Benoit (CDC Biodiversité) : 

Articulation des compensations écologiques et de leurs impacts sur les sols :
Jean-Christophe Benoit rappelle que la DGALN a affirmé que la compensation ne doit pas être vue comme une solution de financement pour la renaturation. Il introduit le sujet en posant la question de l'articulation des différents types de compensation et de leurs impacts sur les sols, ainsi que des moyens de faire converger ces approches.

Complexité des compensations :
Jean-Christophe Benoit souligne que la compréhension des divers types de compensation et de renaturation est complexe. Il est d'accord avec Brian Padilla sur le fait que si la séquence ERC avait été appliquée correctement dès le début, le ZAN (Zéro Artificialisation Nette) ne serait peut-être pas nécessaire aujourd'hui. Il met en avant l'importance de la recherche de foncier approprié, en tenant compte des propriétaires privés qui peuvent ne pas être favorables à des projets de compensation.

Engagement à long terme :
En évoquant le rôle de la CDC Biodiv, il précise que l'organisme se positionne comme un opérateur, cherchant à articuler réglementation, science et besoins économiques. Il aborde également les enjeux financiers liés à la compensation, en indiquant que des projets spécifiques, comme la création d'une foncière biodiversité, visent à trouver des financements pour des initiatives de renaturation.

 

Mécénat écologique et crédits biodiversité : 

Jean-Christophe Benoit conclut en évoquant le mécénat écologique et les crédits biodiversité qui poussent les entreprises à s'engager davantage. Toutefois, il pointe les risques associés à des démarches volontaires qui pourraient masquer les manquements des obligations légales.

 

10. Cécile de Coincy (Société Forestière de la CDC) : 

Position sur la compensation volontaire

Cécile de Coincy indique que La Forestière ne gère pas directement des projets de compensation pour désartificialisation, mais qu'elle se concentre sur la gestion des espaces forestiers. Elle présente leur approche comme étant celle de la « contribution » (Éviter – Réduire – Contribuer) et insiste sur l'importance d'un marché volontaire pour la renaturation. Elle souligne que les sites qu'ils gèrent sont déjà de belles forêts, ce qui rend difficile l’additionnalité écologique pour les mesures de compensation obligatoires.

Financement et Responsabilité Sociétale des Entreprises :
Elle souligne le rôle crucial de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et la communication des entreprises comme moteurs de la contribution volontaire. Elle insiste également sur la nécessité d'inclure des financements privés pour accompagner les collectivités territoriales, en particulier dans un contexte de finances publiques tendues.

Monitoring et indicateurs simples :
Concernant les actions de compensation, Cécile de Coincy met l'accent sur l'importance d'utiliser des descripteurs simples pour évaluer l'impact des projets, en se concentrant sur des mesures liées à l'adaptation de la gestion de l'eau, la biodiversité et le bien-être. Elle souligne que l'évaluation doit être accessible aux opérateurs et qu'il est essentiel de créer des méthodes adaptées à la réalité du terrain.

 

Un optimisme mesuré pour la restauration écologique :

 Cécile souligne que la restauration volontaire ne va pas révolutionner la situation, tout comme la compensation réglementaire ne l’a pas fait. Mais elle reste optimiste quant à une amélioration progressive. Elle mentionne l’importance d’impliquer le secteur privé, tout en soulignant que la compensation ne doit pas se concentrer uniquement sur les pays du Sud, mais aussi se faire localement, en France.


 

Séquence 3 : Le passage à l’échelle des projets

  • Michaël Weber, Président de la Fédération des Parcs Naturels Régionaux de France et Sénateur de Moselle

  • Philippe Schmit, Président de la mission régionale d'Autorité environnementale d'Ile-de-France au Ministère de la Transition écologique et solidaire

 

11. Philippe Schmit (IGEDD, Président de la MRAE Ile-de-France) : 

  • Peut-être : avant de passer à l’échelle la renaturation, comment passer à l’échelle la préservation des sols ? Il semble que ce soit le premier sujet dans les projets que vous voyez passer, et dans le rôle de vigie d’une autorité environnementale. Mieux connaître les sols dans le projet ?

  • Il y a de nombreux ajustements récents (Climat & Résilience, Industrie verte, ZAN 2023, agenda UE) est-ce que l’espace réglementaire vous paraît complet, et unifié ? 

  • Le ZAN a fait récemment l’objet d’une actualité brûlante avec des débats nouveaux, notamment sur la manière de considérer les sols. Alors que la loi devait finir par s’affiner après 2031, pour compter ce qui était effectivement artificialisé ou pas (dégradé du point de vue des fonctions), il semble qu’on revienne vers un comptage ENAF / pas ENAF. Qu’en pensez-vous ?

 

Nécessité de passer à l’échelle pour la préservation des sols :
Philippe Schmit commence par exposer le rôle crucial des autorités environnementales, tant au niveau national qu'au niveau régional. Il précise que la MRAE IDF est saisie pour des plans et programmes peu avant la décision finale, ce qui signifie que les projets sont déjà relativement formés. Cependant, il constate que la préservation des sols n'est pas suffisamment intégrée dans ces plans. Il rappelle que l’Ile-de-France n’est pas soumise à l’obligation de réduire l’artificialisation de 50% en 2031, comme les outre-mers et la Corse. Cette dérogation sur le ZAN permet une construction continue, malgré une demande de sobriété foncière. Philippe Schmit critique la démarche des élus qui consiste à surestimer manifestement les prévisions démographiques afin de justifier une urbanisation croissante. 

Manque de connaissance des sols :
Il est souligné un problème fondamental : l'absence de connaissance des sols. La qualité des sols n'est souvent pas abordée dans les discussions, avec seulement une focalisation sur la pollution des sols en tant que contrainte pour les maîtres d’ouvrage. En prenant l’exemple d’une commune souhaitant développer une zone d’activité de 200 hectares, il souligne que la valeur économique des terrains ne fait pas partie des considérations lors de l’élaboration des PLU.

Besoin d’une réglementation renforcée :
Philippe Schmit plaide pour l’instauration d’obligations réglementaires en matière d’investigation des sols. Il propose que les projets d’aménagement s’appuient systématiquement sur un diagnostic des sols, comme c'est le cas en Suisse. Selon lui, un diagnostic précoce permettrait de mieux orienter les décisions de développement et d’éviter des usages inappropriés des terrains. Il conclut que ces nouvelles obligations, bien qu'essentielles, rencontrent des défis économiques qui doivent être surmontés pour réussir.

 

12. Michael Weber (Fédération des PNR de France, Sénateur de Moselle) : 

  • Comment assurer, à l’échelle nationale et territoriale, le financement nécessaire à la renaturation ? Quelles sont les pistes budgétaires, fiscales, réglementaires ? 

  • Quelle est la bonne échelle de gouvernance pour : identifier les sites démocratiquement, programmer les actions ? (PNR, EPCI, PCAET, etc).

  • Le ZAN a fait récemment l’objet d’une actualité brûlante avec des débats nouveaux, notamment sur la manière de considérer les sols. Alors que la loi devait finir par s’affiner après 2031, pour compter ce qui était effectivement artificialisé ou pas (dégradé du point de vue des fonctions), il semble qu’on revienne vers un comptage ENAF / pas ENAF. Qu’en pensez-vous ?
     

Modèle économique pour la renaturation :
Michael Weber aborde la question du modèle économique nécessaire pour réussir la renaturation et la préservation des sols. Il exprime son scepticisme quant à l’efficacité des outils de planification passés qui visaient la sobriété foncière, qui ont échoué. Il soutient que pour atteindre les objectifs de zéro artificialisation nette, il faut d’abord s’attaquer à la gestion des logements vacants. Selon lui, une meilleure utilisation des bâtiments existants pourrait loger des millions de personnes sans nécessiter de nouvelles constructions.

 

Ingénierie territoriale comme solution :
Michael Weber met en avant le rôle essentiel de l’ingénierie territoriale, citant les PNR comme des exemples de structures qui travaillent de manière transversale et collaborative. Il souligne que la mobilisation de tous les acteurs locaux est cruciale pour réussir la renaturation, notant que certains projets ont même réussi à inverser la baisse des populations d'espèces menacées. Pour lui, la clef de la réussite réside dans la coordination et la synergie entre les différents acteurs impliqués.

Mobilisation des ressources financières :
Concernant la question des ressources, Michaël Weber critique les coupes budgétaires actuelles qui impactent les moyens alloués à la lutte contre le changement climatique. Il appelle à une augmentation des investissements et des moyens accordés à cette lutte, tout en insistant sur l'importance de ne pas se contenter d'une adaptation aux effets du changement climatique, mais de chercher à éviter son aggravation. Il conclut que l'implication des citoyens est essentielle pour construire un avenir durable, et que chaque individu doit se considérer comme acteur de son milieu de vie.

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